Pouvez-vous nous présenter brièvement votre angle de services, et les possibilités d’aide que peut fournir votre cabinet, afin de soutenir l’implémentation de la proptech en Belgique?
Simont Braun est un cabinet d’avocats belge indépendant offrant des services spécialisés dans tous les domaines du droit des affaires. Simont Braun a toujours été pionnier en Belgique en matière de technologie, et notamment l’intégration de celle-ci aux secteurs tels que la finance (fintech) et l’immobilier (proptech).
Nous combinons une connaissance pointue des réglementations à une expérience approfondie du marché. Les avocats de Simont Braun sont à la pointe des tendances et des nouveautés afin de fournir des conseils pragmatiques et sur mesure à nos clients innovants, souvent confrontés à des législations inadéquates… voire inexistantes. Nous sommes l’un des cabinets de référence en Belgique pour les projets d’envergure, innovants et multidisciplinaires.
L’une des pistes pour faire progresser la proptech en Belgique serait de parvenir à l’intégrer aux marchés publics. Pour cela, il va falloir sortir des sentiers battus, au niveau des critères de sélection et d’attribution notamment, afin d’y englober plus facilement les proptechs… et les nouvelles réalités du secteur.
Face à un climat économique plus frileux, comment surmonter l’aversion au risque du secteur public ? Et que diriez-vous à un secteur public qui se méfie de la nouveauté proptech et craint de s’engager en ce moment?
Dans le climat économique actuel, on constate que certains pouvoirs publics se montrent réticents face à l’investissement dans l’innovation. Cela peut constituer un frein à l’intégration de la proptech dans le secteur public qui privilégie généralement des solutions standards et fiables pour ne pas mettre en danger les deniers publics. Etant donné que les marchés publics constituent approximativement 20% du PIB en Europe, l’utilisation de ces fonds à un impact non négligeable sur l’économie.
Les obstacles à l’acquisition de solutions innovatrices sont multiples : manque de connaissance et d’expertise, peu de gestion des risques et rapide évolution des technologies, etc.
De plus, les acheteurs publics peinent à recenser les solutions innovantes en raison de ressources parfois limitées pour identifier et évaluer les innovations et leur adéquation pour certains projet publics. Les pouvoirs publics tendent aussi à prioriser les offres moins coûteuses dans une optique parfois court-termiste, alors que les solutions innovantes offrent des gains de coûts et d’efficacité à moyen ou long terme.
Les marchés publics offrent en effet d’importantes opportunités puisque l’achat de solutions novatrices permet d’assurer des services publics plus efficaces, une consommation d’énergie plus faible, des coûts de cycles de vie moins élevés et encore beaucoup d’autres avantages. Les achats publics innovants peuvent donc précisément constituer un outil important pour permettre aux services publiques d’améliorer l’efficience des services publics et de répondre adéquatement à leurs besoins, tout en contribuant à créer de l’emploi et à stimuler la concurrence.
L’innovation peut très certainement constituer un moyen de réaliser des objectifs de politique publique à court, moyen et surtout à long terme. Des secteurs sociaux tels que les soins de santé, le traitement de l’eau, le chauffage urbain, la construction publique, les routes et autoroutes dépendent presque exclusivement d’expressions de la demande publique. Dans ces cas, les marchés publics servent clairement de canal pour exprimer cette demande et, par conséquent, peuvent constituer un moteur au progrès technologique.
Dans d’autres pays, l’insertion de la proptech dans le secteur public semble se réaliser de manière plus fluide. Comment ont-ils fait ? et comment pouvons-nous nous en inspirer?
Certains Etats membres européens ont déjà intégré des solutions innovantes dans le cadre de leurs marchés publics.
Ainsi, la ville de Vilnius a décidé en 2018 d’investir dans une installation nationale innovante pour produire de l’énergie verte et ainsi réduire sa dépendance par rapport au gaz importé ainsi que son empreinte carbone. La centrale de cogénération se compose d’une installation d’incinération de déchets et de deux systèmes de production de biocarburants.
L’Agence fédérale autrichienne des marchés publics a lancé une procédure d’appel d’offres en trois étapes afin de trouver une solution innovante pour Austrian Mint, l’entité responsable de la production de pièces en Autriche. Les fournisseurs potentiels ont dû fournir des informations sur leurs références en matière d’innovation. Des objectifs précis pour le traitement de l’eau ont été inclus dans le contrat. Le système retenu est un mécanisme d’évaporation sous vide, facile à installer, qui filtre de nombreuses particules. Les besoins en eau douce d’Austrian Mint ont été réduits de 97 %, permettant d’économiser 4 millions de litres d’eau par an.
La Pologne a mis en place des solutions innovantes afin de mitiger l’effet des vagues de chaleur dans ses hôpitaux. Un hôpital polonais a demandé au marché quelles étaient les nouvelles solutions disponibles. Il a ensuite appliqué des critères fonctionnels de résultat (baisse de la température de 2 °C) plutôt que d’imposer une solution spécifique, et a fait l’acquisition, dans le cadre d’une procédure ouverte, d’une solution plus saine et plus durable. La façade du bâtiment a finalement été équipée de panneaux solaires qui font de l’ombre sans assombrir les chambres. L’utilisation d’un modèle tenant compte de l’ensemble des coûts sur le cycle de vie a été déterminante pour trouver une solution avantageuse pour les patients, le personnel et la direction de l’hôpital. En conséquence, la température à l’intérieur de l’hôpital a baissé de 10 % malgré une hausse des températures extérieures de 20 %. Les panneaux solaires couvrent également 5 % des besoins en électricité de l’hôpital, ce qui compense l’investissement initial. Cet exemple montre le rôle important que les marchés publics et l’innovation peuvent jouer à l’égard de la transition verte.
Il serait intéressant et certainement catalysant de s’inspirer de ces pays, et de sensibiliser les élus et décideurs publics en Belgique à la proptech. Cette approche a déjà porté ses fruits dans certains pays. Par exemple, le Conseil national suédois de l’innovation réunit des experts et des ministres dotés de portefeuilles consacrés à l’innovation.
De même, le Conseil de Paris a créé la commission d’anticipation des achats. Elle est composée de 10 membres représentant tous les groupes politiques au Conseil de Paris. Elle a pour mission d’examiner les futurs projets de marchés publics et leur approche stratégique, notamment au niveau de l’innovation. Les représentants élus peuvent ainsi recevoir des informations, échanger des avis et apporter leur contribution à un stade précoce, bien avant le lancement des procédures.
La Belgique a déjà adopté un plan d’action spécifique pour la passation de marchés de solutions innovantes. Par exemple via la création d’INNOVIRIS, qui est un organisme public quif finance la recherche et le développement en Région de Bruxelles-Capitale et qui soutient ainsi le développement de projets innovants. Il s’agirait de persévérer dans cette voie et de traduire les engagements et ambitions dans le secteur par des actions stratégiques concrètes.
Une vision politique claire donnée aux institutions et aux professionnels impliqués dans le domaine de la passation de marchés stratégiques leur donne le mandat nécessaire pour agir et ainsi contribuer à accélérer l’intégration de la proptech dans le secteur public.
Un des problèmes majeurs des marchés publics est souvent leur inflexibilité. Quelles solutions proposeriez-vous afin d’offrir davantage de flexibilité aux compagnies et pour rendre l’appel d’offres plus accessible, y compris aux PME?
Au niveau européen, différents cadres de marchés publics plus flexibles ont été mis en place. Le plus important d’entre eux est le PPI (Public Procurement of Innovation) ou marché public de solutions innovantes : il s’agit d’un achat pour lequel les pouvoirs adjudicateurs agissent en tant que clients pour le lancement de biens ou de services innovateurs qui ne sont pas encore commercialisés à grande échelle et qui peuvent comporter une phase d’essais de conformité.
Il est également possible de mettre en œuvre des PCP (Pre-Commercial Procurement) ou achats publics avant commercialisation. Il s’agit d’achats de services de recherche et de développement impliquant un partage des risques et des bénéfices à des conditions de marché et un développement concurrentiel par phases.
La réglementation des marchés publics prévoit elle-même divers outils permettant d’offrir davantage de flexibilité dans le cadre de la passation des marchés publics et d’ainsi intégrer plus aisément les solutions innovantes que peuvent proposer les entreprises actives dans la proptech. Par exemple, il peut être fait usage des procédures permettant une consultation préalable du marché afin d’élaborer des spécifications techniques qualitatives intégrant des solutions innovantes, mais aussi des procédures de passation flexibles telles que le dialogue compétitif ou encore les procédures de passation impliquant des phases de négociations. Des variantes innovantes peuvent également être appliquées, de même que des critères d’attribution axés sur la qualité de la commande et non principalement sur le prix de celle-ci. La question de la gestion des droits de propriété intellectuelle est elle aussi importante et peut être traitée de façon plus ouverte pour stimuler l’innovation. Les soumissionnaires innovants peuvent en effet rapidement déchanter si les droits de propriété intellectuelle sont acquis à 100 % au pouvoir adjudicateur.
Quant à la possibilité de rendre les marchés publics plus accessibles aux PME, les pouvoirs adjudicateurs disposent ici également d’une certaine latitude dans la définition de leurs besoins et des modalités d’un marché public. Ils peuvent par exemple adapter les critères de sélection en imposant un chiffre d’affaires moins élevé, diviser leurs marchés en lots, mettre en place des systèmes de paiements faciles d’utilisation, choisir des procédures de passation de marchés publics flexibles, faire usage de variantes, etc.
Pour finir sur une note positive, quelles pistes envisagez-vous afin d’attirer des innovateurs?
En matière d’initiative privée, l’existence de courtiers à l’innovation est indéniable- ment un outil majeur permettant d’accélérer l’innovation et la digitalisation du secteur immobilier, et ainsi attirer les innovateurs. En Belgique, PropTech Lab joue un rôle clé à cet égard. Sa fusion avec son homologue luxembourgeois permettra certainement d’encore doper l’écosystème de la proptech et de fluidifier les collaborations et interactions entre les entreprises et pouvoirs publics qui en sont membres.
De leur côté, afin d’ouvrir au maximum leurs marchés aux innovateurs, qu’ils soient belges ou européens, les pouvoirs publics ne doivent pas hésiter à recourir aux systèmes d’appui européens (par exemple Horizon 2020 ou Innovfin – Grands projets/Science), régionaux ou nationaux à la passation de marchés de solutions innovantes. Ces systèmes proposent généralement des financements aux acheteurs publics afin de compenser les risques liés à l’innovation.
Le potentiel stratégique des marchés publics de solutions innovantes est immense, notamment pour soutenir le développement technologique dans le secteur public et par le secteur public. Les industries qui dépendent des ventes au secteur public peuvent être incitées à innover et à adopter de nouvelles technologies grâce à la demande publique. Il s’agit là d’une occasion à ne pas manquer !
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