Le 20 février, la Cour Constitutionnelle a annulé la disposition permettant à l’assemblée générale des copropriétaires de décider, à la majorité des quatre cinquièmes, la démolition ou la reconstruction totale de l’immeuble pour des raisons de salubrité, de sécurité ou de coûts excessifs d’une mise en conformité de l’immeuble par rapport à sa valeur.
La loi du 18 juin 2018 « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges » (modifiant l’article 577-7 du Code civil) avait largement assoupli l’exigence d’unanimité pour la prise de certaines décisions en copropriété.
Ainsi, dans des cas spécifiques liés à la salubrité, à la sécurité ou à la mise en conformité d’un immeuble, seule une majorité des quatre cinquièmes des voix était requise pour décider de la démolition ou de la reconstruction. Un copropriétaire disposant de moins d’un cinquième des voix ne pouvait donc plus bloquer la décision et devait supporter la démolition ou la reconstruction même s’il y était opposé.
La disposition en cause permettait toutefois à chaque copropriétaire d’abandonner son lot en faveur des autres copropriétaires pour autant que la valeur de celui-ci soit inférieure à la quote-part qu’il devrait prendre en charge dans le coût total des travaux. Cet abandon pouvait être assorti d’une compensation fixée de commun accord ou par le juge.
La modification en question était justifiée par la volonté du législateur de rendre le processus décisionnel entre copropriétaires plus souple pour lutter contre la vétusté croissante des immeubles à appartements et contribuer ainsi à la transition vers un parc immobilier moderne et durable.
La Cour constitutionnelle énonce premièrement que ces raisons sont légitimes et poursuivent l’intérêt public.
Elle juge que l’assouplissement du processus décisionnel constitue une mesure pertinente pour éviter qu’un ou plusieurs copropriétaires ne bloquent des décisions nécessaires à la salubrité, la sécurité ou la mise en conformité de l’immeuble.
En outre, la Cour constitutionnelle considère que le législateur a pris en compte les intérêts du copropriétaire qui s’oppose à une telle décision en lui permettant à certaines conditions d’abandonner son lot en faveur des autres copropriétaires.
La Cour constitutionnelle est toutefois d’avis que le législateur n’a pas fourni de garanties suffisantes pour le copropriétaire s’opposant à une telle mesure. La réglementation peut en pratique contraindre un copropriétaire à renoncer à son droit de propriété sur son lot privatif et lui causer ainsi un préjudice considérable. En ce cas, il doit s’adresser lui-même au juge de paix dans un délai de quatre mois à compter de la décision en question pour tenter de la faire annuler ou réformer (article 577-9 § 2 du Code civil).
Ceci constitue selon la Cour une ingérence injustifiée dans son droit de propriété.
La Cour estime qu’il est nécessaire que l’association des copropriétaires soit légalement tenue de saisir, de sa propre initiative, le juge de paix qui pourra alors contrôler la légalité de cette décision et, le cas échéant, demander l’avis d’un expert sur le montant de la compensation.
Depuis l’arrêt de la Cour, les décisions de démolir et de reconstruire totalement un immeuble doivent désormais être prises à l’unanimité et non plus à la majorité des quatre cinquièmes des voix. Des décisions prises en l’absence d’unanimité seraient frappées de nullité.
La question se pose maintenant de savoir quelle est la validité des décisions prises sans unanimité en vertu de la disposition annulée. En tout état de cause, celles prises il y a moins de quatre mois peuvent toujours être contestées devant le juge de paix.
Une intervention du législateur est en tout cas nécessaire afin de remédier à cette insécurité juridique.
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Mathieu Coppée et Manuela von Kuegelgen
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