La Directive n°2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (ou « lanceur d’alertes ») a été publiée le 26 novembre 2019.
Cette directive, qui devra être transposée par les Etats membres pour le 17 décembre 2021 au plus tard, impose notamment à toutes les entreprises de plus de 50 travailleurs ainsi qu’aux entités du secteur public d’établir des procédures internes permettant de faciliter et d’assurer un suivi rapide des alertes lancées. Elle offre par ailleurs une protection sérieuse contre les représailles aux lanceurs d’alerte permettant d’assurer l’efficacité du système.
Champ d’application matériel de la directive
La Directive vise à protéger les personnes signalant:
1. des violations ou abus du droit communautaire dans les domaines suivants:
- Marchés publics ;
- Services financiers, prévention de blanchiment d’argent et financement du terrorisme ;
- Sécurité des produits ;
- Sécurité des transports ;
- Protection de l’environnement ;
- Radioprotection et sûreté nucléaire ;
- Sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, santé et bien-être des animaux;
- Santé publique ;
- Protection des consommateurs ;
- Protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information ;
2. des violations portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE ; et
3. des violations aux règles de concurrence de l’UE et aux règles ou dispositifs en matière d’impôt des sociétés, en raison de leur incidence négative sur le bon fonctionnement du marché intérieur
La Directive prévoit par ailleurs que les États membres peuvent étendre son champ d’application à d’autres domaines.
Champ d’application personnel de la directive
La Directive s’applique aux lanceurs d’alertes travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel, notamment :
- Les travailleurs salariés ;
- Les prestataires de services indépendants, y compris les travailleurs indépendants, les entrepreneurs, les sous-traitants et les fournisseurs ;
- Les actionnaires et membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise ;
- Les bénévoles et stagiaires non rémunérés ;
- Les personnes travaillant sous la supervision et la direction d’entrepreneurs, de sous-traitants et de fournisseurs ;
- Les candidats à un emploi ;
- Les personnes dont la relation de travail a pris fin.
Les mesures de protection prévues par la Directive s’appliquent également aux :
- facilitateurs, c’est-à-dire, ceux qui aident les lanceurs d’alerte lorsqu’ils dénoncent une violation ;
- tiers liés aux lanceurs d’alertes qui sont susceptibles de faire l’objet de mesures de représailles dans le cadre professionnel, tels que des collègues ou des proches ; et
- entités juridiques appartenant aux lanceurs d’alerte ou pour lesquelles ils travaillent ou avec lesquelles il sont liés dans un contexte professionnel.
Conditions de protection
L’article 6 de la Directive précise que les auteurs de signalement bénéficient de la protection prévue par la Directive pour autant que :
- Ils aient eu des motifs raisonnables de croire que i) les informations signalées étaient véridiques au moment du signalement et que ii) ces informations entraient dans le champ d’application de la Directive.
- Ils aient utilisé les voies de signalement (internes, externes ou publiques) conformes à la Directive.
Procédures de signalement internes et externes
Afin de permettre une protection efficace des lanceurs d’alerte, les Etats membres doivent s’assurer que :
- Toutes les entités publiques et toutes les entreprises privées de 50 salariés ou plus aient mis en place des procédures et canaux de reporting interne efficaces, garantissant la confidentialité des lanceurs d’alertes (« procédure interne»)
- Les autorités nationales désignées comme compétentes pour enquêter sur les signalements mettent également en place des canaux de signalement permettant la communication (oralement ou par écrit) d’informations exhaustives, complètes et confidentielles (« procédure externe ») ;
Les lanceurs d’alertes seront encouragés à utiliser d’abord les canaux de signalement internes, mais ils peuvent choisir de faire directement un signalement externe aux autorités compétentes.
La Directive précise par ailleurs que ceux qui reçoivent les signalements doivent assurer un suivi diligent et fournir un retour d’informations au(x) lanceur(s) d’alerte dans un délai raisonnable, fixé à trois mois (ou, pour la procédure externe, à six mois dans des cas dûment justifiés).
Divulgations publiques
Les dénonciateurs ne peuvent, selon l’article 15, faire des divulgations publiques et informer les médias que si :
- Aucune mesure appropriée n’a été prise dans un délai de maximum trois mois à la suite de leur signalement (interne et externe).
Ou
- Ils ont des motifs raisonnables de croire que :
- (i) Il existe un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public ;
- (ii) En raison des circonstances particulières de l’affaire, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit effectivement remédié à la violation (par exemple, lorsque des preuves peuvent être détruites ou en cas de risque de collusion)
Mesures de protection
La Directive prévoit une interdiction des représailles, sous toutes leurs formes, par exemple licenciement, évaluation négative des performances, intimidation, harcèlement, discrimination ou traitement injuste, préjudice, y compris à la réputation de la personne ou pertes financières, mise sur liste noire, etc.
Il est par ailleurs prévu des mesures de réparation adéquates en cas de représailles, en ce compris le renversement de la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire et l’application de mesures provisoires dans l’attente du règlement des procédures judiciaires.
Les lanceurs d’alertes ne peuvent par ailleurs pas être tenus comme responsables d’une violation d’un engagement de confidentialité lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire que cette divulgation d’information confidentielle était nécessaire pour révéler une violation visée par la Directive, et à condition également qu’aucune infraction pénale n’ait été commise à cette fin.
Les États membres restent par ailleurs libres d’introduire ou de maintenir dans leur régime national des dispositions plus favorables.
Sanctions
Les Etats membres doivent prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux personnes physiques ou morales qui:
- entravent ou tentent d’entraver le signalement;
- exercent des représailles contre les personnes protégées par la Directive ;
- intentent des procédures abusives contre ces mêmes personnes;
- manquent à l’obligation de préserver la confidentialité de l’identité des auteurs de signalement.
Garanties pour les personnes concernées et pour la crédibilité du système
La directive établit également des mesures de protection pour la ou les « personne(s) concernée(s) » :
- Les personnes concernées par les signalements jouissent pleinement de la présomption d’innocence, du droit à un recours effectif, à un procès équitable et des droits de la défense.
- Les autorités compétentes veillent, conformément au droit national, à ce que l’identité des personnes concernées soit protégée aussi longtemps que les enquêtes déclenchées par le signalement ou la divulgation publique sont en cours.
- Les États membres prévoient enfin des sanctions effectives et proportionnées pour dissuader les signalements malveillants ou abusifs.
Entrée en vigueur et transposition en droit belge
La Directive entrera en vigueur le 16 décembre prochain et devra être transposée par les Etats membres au plus tard le 17 décembre 2021, avec une extension possible jusqu’au 17 décembre 2023.
Sachant que la Belgique ne dispose, contrairement à la France, la Suède ou l’Italie, d’aucun système général comparable, la manière dont la transposition sera envisagée par notre futur gouvernement devra retenir toutes les attentions.