Plus de quatre mois après son adoption par le Parlement bruxellois, l’ordonnance du 30 novembre 2017 réformant le Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire est parue le 20 avril 2018 au Moniteur belge.
S’il faudra encore patienter une année avant que l’essentiel des dispositions de cette réforme significative du droit de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire entre en vigueur, le législateur bruxellois a toutefois jugé nécessaire d’en rendre immédiatement applicables certains volets. C’est le cas des nouveaux articles 275 et 276/1 touchant aux renseignements urbanistiques.
Le législateur justifie son choix dans les travaux préparatoires par l’urgence liée aux problèmes rencontrés actuellement par de nombreuses communes pour respecter les délais de délivrance des renseignements urbanistiques.
Les retards importants constatés en pratique ont un impact direct sur de nombreuses opérations immobilières (vente, emphytéose, droit de superficie, baux de plus de neuf ans) pour lesquelles la mention des renseignements urbanistiques est requise dans l’acte authentique voire avant cela, sous certaines conditions. Les notaires refusent dès lors généralement de passer l’acte tant que ces renseignements n’ont pas été délivrés par la commune.
Pour pallier ce problème, le législateur bruxellois a allégé certaines informations à fournir par les communes, soit que leur intérêt pratique n’était selon lui pas démontré, soit que leur vérification impliquait un examen long et fastidieux retardant considérablement le traitement des demandes.
Dans cette perspective, le nouvel article 275 n’impose notamment plus à la commune de vérifier la péremption éventuelle des permis, ni de préciser l’affectation et l’utilisation licites du bien ou encore le nombre d’unités de logement considérées comme régulières qui le composent.
On pourrait donc à première vue penser que cette réforme est de nature à résorber, fût-ce partiellement, le retard dans la délivrance des renseignements urbanistiques.
Rien n’est moins sûr toutefois puisque l’arrêté du Gouvernement bruxellois du 29 mars 2018 est venu retirer d’une main ce que l’ordonnance du 30 novembre 2017 était venue donner de l’autre.
L’on constate en effet que le modèle-type de renseignements urbanistiques, qui est annexé à l’arrêté du Gouvernement du 29 mars 2018 relatif aux renseignements urbanistiques et dont l’utilisation est obligatoire, impose toujours l’indication de la destination et de l’utilisation licites du bien ainsi que du nombre de logements qu’il contient.
Cet ajout nous paraît contraire à la volonté du législateur bruxellois, clairement exprimée dans les travaux parlementaires, de limiter les renseignements à fournir par les communes, de sorte que sa légalité semble contestable.
Parallèlement, d’autres mesures de la réforme sont de nature à augmenter la charge de travail des communes en matière de renseignements urbanistiques risquant d’accroître l’arriéré existant.
Premièrement, les communes seront à l’avenir les points de contact uniques en matière de renseignements urbanistiques, la compétence résiduaire du fonctionnaire délégué pour les renseignements demandés par des personnes de droit public ayant été supprimée.
Une procédure d’urgence est en outre venue s’ajouter au régime classique afin d’obtenir, en théorie du moins, les renseignements urbanistiques dans un délai de cinq jours ouvrables au lieu des trente jours calendrier existants, moyennant le cas échéant le paiement d’une redevance doublée.
Au vu des travaux préparatoires et de l’avis n°62.913/3 de la section de législation du Conseil d’Etat, il semble que le choix entre la procédure classique et la procédure accélérée revienne a priori au demandeur, à charge simplement pour ce dernier de payer la redevance supplémentaire exigée.
L’arrêté du Gouvernement du 29 mars 2018 ne semble toutefois pas partager cette interprétation puisqu’il est précisé que l’urgence est présumée pour les « ventes judiciaires » ce qui, a contrario, signifierait que les demandeurs doivent apporter la preuve d’une cause d’urgence admissible dans les autres cas.
Outre le manque de clarté sur les motifs pouvant justifier l’utilisation de la procédure d’urgence, l’existence d’un régime d’exception institutionnalisé est de nature à retarder le traitement des demandes classiques.
Il est par ailleurs peu probable que les communes augmentent les moyens humains et financiers affectés aux traitements des demandes de renseignements. Au contraire, le nouvel article 275 du CoBAT est venu plafonner à 80 euros (160 euros en cas d’urgence) le montant de la redevance relative aux renseignements urbanistiques.
Si ce nouveau régime a le mérite d’harmoniser leur coût en Région bruxelloise, fort disparate jusqu’ici, ces montants sont toutefois, à quelques exceptions près, sensiblement inférieurs aux prix pratiqués jusqu’ici au sein des 19 communes. Il faut donc craindre que, sauf subventions nouvelles octroyées par la Région, les communes rechignent à augmenter les moyens affectés aux demandes de renseignements.
Un autre point important de la réforme, qui pourrait avoir un impact négatif sur le délai de délivrance des renseignements urbanistiques, est l’obligation pour les demandeurs des renseignements de joindre à leur demande un descriptif sommaire de la situation existante en fait de leur bien.
Les communes ne sont bien entendu pas responsables de l’exactitude des informations communiquées. Elles doivent cependant vérifier leur caractère complet et tenir compte de celles-ci dans l’établissement des renseignements urbanistiques en les comparant avec la situation de droit dont elles ont connaissance afin d’informer le propriétaire des éventuelles contrariétés entre ces deux situations.
Ces vérifications, censées faciliter le travail des communes et renforcer la fiabilité et la pertinence des renseignements délivrés, augmenteront toutefois vraisemblablement leur charge de travail.
Probablement conscient que cette réforme ne suffirait pas à résorber l’arriéré en matière de délivrance des renseignements urbanistiques, voire pourrait les aggraver, le législateur bruxellois a fait le choix d’anticiper le plus possible l’obligation d’introduire une demande de renseignements urbanistiques.
L’article 276/1 du CoBAT précise à cet effet que les propriétaires souhaitant vendre, louer pour plus de neuf ans, octroyer un droit d’emphytéose ou de superficie, doivent introduire leur demande de renseignements avant la mise en vente effective de l’immeuble.
En outre, les articles 280 et 281 du CoBAT ont été modifiés pour permettre aux parties d’avancer dans leur opération immobilière lorsque les délais prévus à l’article 275 du CoBAT sont dépassés afin de ne pas pénaliser les opérateurs pour les retards imputables à la commune.
Dans pareil cas, seule la signature de l’acte authentique ne pourra intervenir avant la communication des renseignements urbanistiques. Une amende administrative est d’ailleurs prévue à charge des notaires qui passeraient outre cette interdiction.
Ces dispositions n’entreront toutefois en vigueur qu’un an après la publication de l’ordonnance du 30 novembre 2017, soit le 20 avril 2019.
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On l’a vu, l’ambition poursuivie par la réforme du CoBAT de résoudre la problématique des retards dans la délivrance des renseignements risque de rester lettre morte.
Les charges supplémentaires imposées aux communes par la réforme, l’harmonisation vers le bas du montant des redevances et la prise en compte du descriptif sommaire de la situation de fait établi par le demandeur sont autant de contraintes supplémentaires qui risquent au contraire d’augmenter l’arriéré.
On ne saurait donc trop recommander aux propriétaires envisageant la vente de leur immeuble, un bail emphytéotique, un droit de superficie ou un bail de plus de neuf ans, d’introduire le plus tôt possible leur demande de renseignements urbanistiques pour éviter tout blocage au stade de la signature de l’acte authentique.
Le propriétaire prudent veillera également à s’assurer de l’absence d’infractions urbanistiques et, le cas échéant, de procéder à leur régularisation avant toute opération immobilière requérant l’obtention de renseignements urbanistiques.
En effet, la nouvelle exigence de description sommaire de la situation de fait risque de mettre à jour les éventuelles irrégularités existantes, ce qui pourrait mettre en péril l’opération immobilière envisagée.
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