Dans un contexte où le marché immobilier bruxellois évolue rapidement, le coliving se présente comme une alternative attractive à l’habitat traditionnel. Ce mode d’hébergement est-il soumis à un permis d’urbanisme ?
Les règles générales en matière de permis d’urbanisme
En principe, toute construction, rénovation, démolition, transformation ou changement de destination d’un bien immobilier nécessite un permis d’urbanisme sauf exceptions.
L’article 98 du Code bruxellois de l’aménagement du territoire (« CoBAT ») précise que le changement de destination d’un bien – par exemple, la transformation d’un logement en commerce ou bureaux et vice versa – est soumis à permis d’urbanisme.
Les changements d’utilisation soumis à permis d’urbanisme sont quant à eux visés le nouvel arrêté relatif aux changements d’utilisation soumis à permis d’urbanisme adopté par le Gouvernement bruxellois le 15 mai 2024 puis remplacé discrètement par un nouvel arrêté du 16 mai 2024.
Qu’en est-il du coliving ? S’agit-il d’un changement de destination ou d’utilisation soumis à permis d’urbanisme ?
Le coliving : une transformation nécessitant un permis ?
Certaines autorités communales – en atteste la tendance actuelle dans les communes d’Ixelles, Saint-Gilles et Bruxelles – considèrent que l’aménagement d’un coliving dans une habitation doit, en toute hypothèse, faire l’objet d’un permis d’urbanisme préalable. Les recommandations et lignes de conduite des autorités communales n’ont cependant aucune valeur juridique et aucun règlement communal d’urbanisme en ce sens n’a, à ce jour, été adopté en Région de Bruxelles-Capitale.
La Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 17 décembre 20211, a estimé – donnant ainsi raison à une société immobilière spécialisée dans le coliving – que transformer une maison unifamiliale en coliving ne constituait pas un changement de destination, puisque l’immeuble conserve son affectation résidentielle. Partant, il ne fait pas de doute qu’à l’heure actuelle, la création d’un coliving dans une habitation existante n’implique pas de changement ni de destination ni d’utilisation soumis à permis.
Une tentative de réglementation avortée
Le 15 mai 2024, le Gouvernement bruxellois a tenté d’introduire une nouvelle règle soumettant explicitement le coliving à un permis d’urbanisme. Cette réforme avait pour but de soumettre dorénavant à permis d’urbanisme le changement d’utilisation d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble abritant un ou plusieurs logements en vue d’y créer ou de supprimer du coliving.
Le 16 mai 2024, de façon très curieuse, le Gouvernement bruxellois a adopté un nouvel arrêté portant le même nom et dont il est indiqué au Moniteur belge qu’il remplace dans sa totalité l’arrêté du 15 mai 2024. Cette nouvelle mouture de l’arrêté ne contient plus aucune référence au coliving qui semble avoir complètement disparu.
Cette saga réglementaire illustre le manque de clarté juridique entourant le coliving. Contrairement aux logements étudiants (kots), le coliving reste dans une zone grise qui fragilise tant les investisseurs que les autorités locales.
Coliving ou colocation ?
Les articles 257 à 261 du Code bruxellois du logement ont introduit un régime spécifique encadrant la colocation (et uniquement la colocation) à l’exclusion des autres types de logements collectifs. Les colocataires, pour autant qu’ils y consentent, sont donc soumis à un régime spécifique basés sur la solidarité envers leur bailleur. Ce régime prévoit aussi des modalités de départ spécifiques et impose l’établissement d’un pacte de colocation à annexer au bail. À noter toutefois qu’outre ce régime spécifique, les règles applicables aux baux de résidence principale restent applicables dès lors qu’un occupant établit sa résidence principale dans le logement, avec l’accord du bailleur.
Le coliving est aujourd’hui très souvent assimilé, voire confondu avec la colocation. Or, les deux régimes présentent des différences fondamentales. En effet, d’après les définitions doctrinales et certaines pratiques communales, le coliving se caractérise par l’absence de solidarité entre occupants. Pourtant, les contrats de bail utilisés par les sociétés de coliving montrent généralement que les occupants signent un bail unique, impliquant une solidarité entre eux et une organisation de la vie commune régie par un pacte de colocation.
En l’absence de cadre légal spécifique au coliving, l’application du régime de la colocation reste une option juridiquement plus « safe » car celui-ci bénéficie d’une base claire dans le Code bruxellois du logement.
Quelles perspectives pour le coliving à Bruxelles ?
Le débat reste ouvert. Tant que le législateur ne se prononce pas clairement, les promoteurs et propriétaires continueront d’évoluer dans un cadre incertain. Une réforme cohérente et stable est nécessaire pour encadrer cette nouvelle forme d’habitat et assurer son intégration harmonieuse dans le paysage ordonnantiel bruxellois.
Affaire à suivre donc !
[1] Bruxelles (2e ch.), 17 décembre 2021.
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