La loi du 4 février 2020 a réformé et modernisé en profondeur le droit des biens. Cette loi introduit un nouveau Livre 3 dans le nouveau Code civil. La réforme entre en vigueur le 1er septembre 2021. Les dispositions du livre 3 sont supplétives sauf les définitions et les dispositions qualifiées d’impératives.
Voici dix points clés pour la pratique immobilière.
1. La notion d’immeuble est modernisée.
La définition vise ainsi non seulement les fonds de terre mais aussi les divers volumes les composant, déterminés en trois dimensions. Le volume est un espace géométrique à trois dimensions, géographiquement situé dans un lieu précis. Le cadastre sera adapté à cette nouvelle vision de la propriété en 3D qui n’existait pas dans le passé.
2. La propriété immobilière n’est plus infinie.
Actuellement, et sous réserve de controverses, la propriété s’étend en principe au-dessus et sous le sol sans limitation (« jusqu’au ciel et jusqu’au centre de la terre »). Dorénavant, la propriété est limitée à une hauteur au-dessus et à une profondeur en dessous du sol utiles à l’exercice des prérogatives du propriétaire.
Le Code ne précise toutefois pas si cette limite s’apprécie subjectivement dans le chef du propriétaire actuel ou objective en fonction de la capacité utile du bien lui-même. Les travaux préparatoires indiquent que « Cette limite dépendra des possibilités d’exploitation réelles et potentielles du bien dans le chef du propriétaire lui-même, à la lumière des données économiques, urbanistiques et de construction physique du fonds ».
3. Un tiers pourra plus facilement « empiéter » sur le fonds voisin.
En fonction des circonstances, le propriétaire sera le cas échéant obligé de supporter cet empiètement en conférant au voisin un droit de superficie ou en lui vendant la partie du bien où se situe l’empiètement.
4. La publicité foncière est élargie.
Les actes qui accordent un droit de préférence, un droit de préemption ou un droit d’option sur un droit réel immobilier doivent être transcrits. Les titulaires de ces droits seront mieux protégés. Leur droit étant public, les tiers qui contracteraient avec le propriétaire en méconnaissance de ces prérogatives seront en principe supposés de mauvaise foi.
5. Le Code crée de nouvelles servitudes légales au bénéfice de tout titulaire d’un droit réel d’usage (usufruit, emphytéose, superficie) sur un immeuble.
Ce titulaire profite, en vertu de la loi, de toutes les servitudes nécessaires à l’exercice de son droit sur le fonds grevé dudit droit réel.
6. Si le bien disparaît, le propriétaire peut exercer son droit sur le bien qui vient en remplacement du bien détruit.
On vise ici notamment les créances qui se substituent au bien, telle l’indemnité due par des tiers, à raison de la perte, de la détérioration ou de la perte de valeur de l’objet.
7. La théorie des troubles du voisinage est codifiée.
Un propriétaire ne peut causer à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage. En cas de trouble excessif, le juge peut ordonner une réparation pécuniaire ou en nature, ce qui était controversé auparavant. Autre nouveauté importante : si un immeuble occasionne des risques graves et manifestes en termes de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un immeuble voisin, le propriétaire ou l’occupant voisin peut demander des mesures préventives afin d’empêcher que le risque se réalise.
8. L’usufruit est largement réformé.
L’usufruit immobilier dans le chef des personnes morales n’est plus limité à trente ans. Cette durée est portée à 99 ans.
Pour l’anecdote, la durée trente ans correspondait à l’espérance de vie moyenne en 1804. L’usufruit d’une personne physique étant viager, la durée de l’usufruit de la personne morale était calqué sur cette durée de vie qui aujourd’hui plus longue.
La notion de grosses réparations est dorénavant définie : il s’agit essentiellement des réparations structurelles ou celles dont le coût excède manifestement les fruits du bien. Le nu-propriétaire à qui incombent ces réparations peut demander à l’usufruitier d’y participer proportionnellement à la valeur de son droit par rapport à la pleine propriété.
Dernière chose : les parties sont obligées de faire réaliser une description de l’objet de l’usufruit.
9. L’emphytéose (droit de pleine jouissance sur un immeuble) est revisitée.
Le droit d’emphytéose porte uniquement sur des immeubles par nature (fonds de terre et volumes) ou par incorporation. Ceci exclut la constitution d’une emphytéose sur un immeuble incorporel (interdiction des « sous-emphytéoses).
En revanche, les titulaires d’un droit réel d’usage sur un bien immeuble corporel peuvent constituer sur celui-ci un droit d’emphytéose dans les limites de leur droit. L’emphytéose sur le domaine public est admise dans la mesure où la destination publique n’y fait pas obstacle. La durée minimale de l’emphytéose est réduite de 27 à 15 ans (durée normale d’un leasing immobilier).
Le caractère nécessairement onéreux du droit d’emphytéose disparait. Le régime des réparations est modifié.
Pour les immeubles objets du droit et les ouvrages que l’emphytéote a l’obligation de réaliser, l’emphytéote doit réaliser toutes les réparations, en ce compris les grosses réparations. Pour les immeubles construits par l’emphytéote sans y être obligé, l’emphytéote ne doit réaliser que les réparations rendues nécessaires pour l’exercice des autres droits réels d’usage sur l’immeuble.
10. La superficie (dissociation temporaire en principe de la propriété) est révolutionnée.
Sa définition est totalement modifiée : la superficie confère la propriété de volumes, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus ou en dessous du fonds d’autrui, aux fins d’y avoir tous ouvrages ou plantations. La superficie doit avoir pour but de construire des ouvrages. On ne peut réserver à l’infini un droit de propriété sur des volumes : le droit s’éteint à défaut par prescription extinctive.
Le droit de superficie peut être constitué par tout titulaire d’un droit réel d’usage, dans les limites de son droit. Sa durée est étendue à 99 ans. Par exception, la superficie est perpétuelle si elle vise la construction d’ouvrages affectés au domaine public ou si elle concerne des ensembles immobiliers hétérogènes, susceptibles de gestion autonome et ne comportant pas de parties communes. Pour ces ensembles, l’interdiction de parties communes pose un réel problème pratique : comment en effet concevoir l’absence d’équipement communs ou d’usage collectif sans de telles parties « communes » ? La superficie emporte transfert de propriété des bâtiments existants sauf disposition contraire du contrat, ce qui aura des implications fiscales (paiement des droits d’enregistrement sur la valeur des biens transférés).
Quant aux réparations, le superficiaire et le constituant du droit réalisent, relativement à leur propriété, les réparations d’entretien et les grosses réparations ainsi que celles qui seraient nécessaires pour l’exercice des autres droits d’usage existant sur le bien.
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