1. Introduction
Afin d’encourager l’autoconsommation instantanée d’électricité, le législateur bruxellois a introduit de nouvelles possibilités d’échanges et de ventes d’électricité : le partage d’électricité dans un même bâtiment, la communauté d’énergie citoyenne (CEC), la communauté d’énergie renouvelable (CER), la communauté d’énergie locale (CEL) et l’échange de pair à pair.
Trois ans après l’adoption de l’ordonnance du 17 mars 2022 relative à l’organisation du marché du gaz et de l’électricité en région de Bruxelles-Capitale, on peut faire le point sur ces mécanismes, ainsi que sur les opportunités et limites qu’ils présentent, en particulier pour les porteurs de projets immobiliers (construction-location ou construction-vente) et dès lors sur la conception de ces projets.
L’analyse qui suit se concentre uniquement sur les formes les plus pertinentes, à savoir:
- le partage d’électricité au sein d’un immeuble,
- les communautés d’énergie locales,
- les communautés d’énergie citoyennes.
2. Le partage d’électricité au sein d’un bâtiment
Plusieurs personnes, physiques ou morales, occupant un même immeuble peuvent partager l’électricité produite par des sources d’énergie situées dans, sur ou sous ce bâtiment.
Toutefois, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Chaque personne prenant part au partage d’énergie doit avoir un contrat de fourniture valide.
- Le titulaire du point d’injection est, à défaut de désignation d’un tiers, l’interlocuteur unique auprès du gestionnaire du réseau de distribution.
- Une convention doit être conclue entre le(s) producteur(s) et le(s) consommateur(s) de l’électricité partagée. Cette convention définit les règles de partage ou d’achat ainsi que la répartition de l’électricité produite. Elle précise également les modalités de facturation, les frais de réseau, les impôts, taxes, surcharges, redevances et contributions applicables.
- Les participants doivent disposer d’un compteur intelligent.
La possibilité pour des locataires, qui ne sont donc pas copropriétaires des installations productrices d’énergie renouvelable, de prendre part au partage n’est pas explicitement prévue par l’ordonnance.
Bien que cette la participation des locataires au partage d’électricité soit discutée par certains1, elle est explicitement autorisée par Bruxelles Environnement et elle ne nous semble pas exclue par le texte de l’ordonnance, ni par les travaux préparatoires. Une interprétation non restrictive des termes de l’ordonnance apparait par ailleurs conforme à la volonté du législateur bruxellois, qui entend encourager le développement de la production locale d’électricité issue de sources renouvelables et garantir accès élargi à cette électricité.
Enfin, il convient de rappeler que le partage d’énergie demeure une démarche volontaire. Chaque partie doit pouvoir mettre fin à la convention de partage moyennant un préavis de trois semaines. Il est dès lors difficile, en amont d’un projet immobilier, d’anticiper le nombre futur de participants à un système de partage d’énergie.
3. Les communautés d’énergie
L’ordonnance du 19 juillet 2001, telle que modifiée par l’ordonnance du 17 mars 2022 (« l’ordonnance électricité »), regroupe, sous le vocable « communauté d’énergie », la communauté d’énergie citoyenne, la communauté d’énergie renouvelable et la communauté d’énergie locale.
Les communautés d’énergie permettent d’associer plusieurs bâtiments à un partage institutionnel. Elles permettent, pour les immeubles ne disposant pas de conditions optimales de production d’électricité renouvelable, de bénéficier des surplus générés par d’autres immeubles mieux situés. Par ailleurs, les communautés d’énergie facilitent la gestion contractuelle et financière du partage, en garantissant un cadre plus structuré et sécurisé pour les participants. Elles permettent également d’externaliser la gestion de la communauté ainsi que l’activité de partage.
Selon l’ordonnance électricité, la « communauté d’énergie » est une personne morale exerçant une ou plusieurs activités liées à l’énergie, « dont l’objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques plutôt que de générer des profits financiers ». Logiquement, les formes juridiques les plus courantes sont celles de l’association sans but lucratif (ASBL) et de la société coopérative (SC).
Toute communauté d’énergie doit être autorisée par Brugel, qui veille au respect des critères et obligations fixés par l’ordonnance. Brugel a d’ailleurs publié un guide d’interprétation à ce sujet2.
4. La communauté d’énergie citoyenne
La communauté d’énergie citoyenne se distingue de la communauté d’énergie locale sur plusieurs points. Les grandes entreprises – soit celles employant plus de 250 personnes, réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros et dont le total du bilan annuel dépasse 43 millions d’euros – ne peuvent participer qu’aux communautés d’énergie citoyennes, bien qu’elles ne puissent pas en avoir le contrôle effectif. Ainsi, seuls des acteurs immobiliers de taille conséquente pourraient intégrer une communauté d’énergie citoyenne.
Un autre élément différenciant est que l’énergie partageable ne se limite pas à l’électricité produite par des sources renouvelables. La communauté d’énergie citoyenne est la seule forme de communauté permettant de partager de l’électricité issue de la cogénération utilisant du gaz naturel.
Enfin, les activités qu’une communauté d’énergie citoyenne peut exercer sont plus étendues que celles d’une communauté d’énergie locale (voir point 5). Une communauté d’énergie citoyenne peut ainsi offrir des services d’agrégation, de flexibilité énergétique ou encore de solutions de recharge pour véhicules électriques.
Le principal inconvénient des communautés d’énergie citoyenne est qu’elles doivent être propriétaires de leurs installations.
5. La communauté d’énergie locale : une spécificité bruxelloise
L’ordonnance du 17 mars 2022 a introduit une forme de partage structuré d’énergie non prévue par les directives européennes : la communauté d’énergie locale. Ce modèle est particulièrement adapté à la Région de Bruxelles-Capitale, car il permet d’intégrer un tiers-investisseur pour l’installation de panneaux photovoltaïques, un mode de financement et de gestion fréquent à Bruxelles.
Contrairement aux communautés d’énergie citoyennes, les membres d’une communauté d’énergie locale peuvent soit être propriétaires, soit uniquement disposer d’un droit d’usage sur les installations de production.
La communauté locale peut uniquement produire, consommer, stocker et partager une énergie renouvelable. Elle ne peut fournir d’autres services.
L’intervention d’un tiers-investisseur dans l’installation de panneaux photovoltaïques offre plusieurs avantages : accès à une expertise technique approfondie, financement externe de l’installation et externalisation de la maintenance et de la gestion des certificats verts.
Exemple : la communauté d’énergie locale du site de Tour & Taxis
La communauté d’énergie locale du site de Tour & Taxis constitue un exemple intéressant. Le propriétaire et gestionnaire du site, le promoteur immobilier Nextensa, a cédé une partie de la production des panneaux solaires installés à WeSmart, une entreprise active entre autres dans l’accompagnement des communautés d’énergie. Cette communauté d’énergie génère environ 200 MWh/an d’électricité partagée.
Ce projet présente plusieurs intérêts :
- La communauté d’énergie locale a été créée grâce à l’octroi d’un droit d’usage, bien que Nextensa soit une grande entreprise au sens de l’ordonnance de 2022.
- Une optimisation de la consommation énergétique : le partage d’énergie au sein de la communauté repose sur la complémentarité des profils de consommation : commerces et bureaux qui consomment principalement en journée et en semaine, d’une part, et résidents consommant principalement le matin, le soir et le week-end, d’autre part.
6. Conclusion
Ces nouvelles formes d’échange et de partage d’électricité offrent des opportunités intéressantes en facilitant l’accès à l’énergie tout en tenant compte des spécificités du marché de l’énergie bruxellois.
- Le partage d’électricité au sein d’un même bâtiment constitue une solution simple et peu contraignante sur le plan administratif. Il permet aux occupants de bénéficier d’une électricité renouvelable sans devoir investir dans une installation.
- La communauté d’énergie citoyenne présente l’avantage de ne pas se limiter aux sources d’énergie renouvelables et permet le partage d’électricité issue de la cogénération au gaz naturel. Elle ouvre également la possibilité de participer aux communautés d’énergie. Enfin, elle pourrait, à terme, favoriser le développement d’autres services.
- La communauté d’énergie locale structure la création d’une communauté d’énergie sans nécessiter que cette dernière soit propriétaire des installations. Cela favorise l’utilisation d’installations existantes, dont des tiers-investisseurs sont propriétaires, et accélère la mise en place du partage d’énergie.
[1] Voir T. VERMEIR, “Energiedelen en peer-to-peerverkoop in het Brussels Hoofdstedelijk Gewest” in M. BEUDELS et L. DE BRUCKER, Energierecht in Brussel: quelles alternatives aux énergies fossiles ?, p. 316-321.
[2] Voir ici
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