Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt (C-650/22) jugeant que certaines règles de la FIFA sont contraires aux règles européennes en matière de concurrence et de libre circulation des personnes. Cet arrêt pourrait bouleverser le monde du football et plus particulièrement le marché des transferts.
Contexte de l’affaire
Le litige oppose la FIFA et l’ancien footballeur professionnel Lassana Diarra, dont le contrat avait été unilatéralement résilié par son ancien club, le Lokomotiv Moscou. Le joueur reprochait au club russe d’avoir réduit drastiquement et sans raison son salaire, ce qui l’a conduit à interrompre l’exécution de son contrat. Le Lokomotiv Moscou a finalement rompu ce contrat, accusant le joueur d’avoir mis fin à celui-ci sans juste cause. Or, selon les règles de la FIFA, toute rupture de contrat sans juste cause entraîne une obligation de payer une indemnité à l’autre partie. En l’espèce, le club russe réclamait au joueur la somme de 20 millions d’euros à titre de compensation.
Diarra a alors tenté de signer un nouveau contrat avec le club Sporting du Pays de Charleroi. Cependant, conformément aux règles de la FIFA, tout club souhaitant recruter un joueur ayant rompu son contrat sans juste cause est solidairement tenu de payer l’indemnité due à l’ancien club. Face à ce risque financier, le transfert du joueur au Sporting de Charleroi n’a pu avoir lieu. Le joueur a alors saisi les juridictions belges, soutenant que ces règles de la FIFA avaient restreint sa capacité à trouver un nouveau club et réclamant 6 millions d’euros à la FIFA en réparation du préjudice subi.
Les règles de la FIFA examinées par la CJUE s’appliquent lorsqu’il est reproché à un joueur professionnel d’avoir rompu son contrat avant son terme et sans « juste cause ». En vertu de ces règles :
- le joueur professionnel et le nouveau club qui l’engage après cette rupture, sont solidairement et conjointement responsables du paiement de l’indemnité due à l’ancien club;
- le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité le joueur à rompre son contrat (ce qui est présumé de manière réfragable) ;
- l’association nationale de football dont relève l’ancien club, ne peut pas délivrer le certificat international de transfert (CIT) nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club s’il existe un litige entre l’ancien club et le joueur (ce qui a pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour son nouveau club).
L’arrêt de la CJUE
Dans son arrêt du 4 octobre 2024, la CJUE a jugé, d’une part, que ces règles de la FIFA étaient de nature à entraver la liberté de circulation des joueurs souhaitant évoluer professionnellement en rejoignant un nouveau club. Selon la CJUE, ces règles font peser sur ces joueurs et sur les clubs qui souhaiteraient les recruter, des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés ainsi que des risques sportifs majeurs, qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à dissuader effectivement les clubs d’engager ces joueurs et donc de nature à entraver les transferts internationaux.
La CJUE a par conséquent jugé que bien que des restrictions à la libre circulation des joueurs de football professionnels puissent en principe être justifiées par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en contribuant à maintenir une certaine stabilité dans les effectifs des clubs professionnels, les règles de la FIFA dont il était question dans cette affaire semblaient aller au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de cet objectif et dérogeaient ainsi au principe de proportionnalité, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi (en l’espèce la cour d’appel de Mons) de vérifier.
D’autre part, s’agissant du droit de la concurrence (article 101 du TFUE), la CJUE a jugé que ces règles de la FIFA avaient pour objet de restreindre, voire d’empêcher, la concurrence à laquelle pourraient se livrer les clubs de football professionnel en recrutant unilatéralement des joueurs déjà sous contrat avec un autre club ou des joueurs dont il est invoqué que le contrat a été rompu sans juste cause. La CJUE ajoute, sous réserve de l’examen à faire par le juge du fond, que la vérification de la possibilité d’exemption prévue au paragraphe 3 de l’article 101 du TFUE (nécessité de ces règles pour réaliser des gains d’efficacité) est empêchée a priori du fait que ces règles prévoient une restriction généralisée, drastique et permanente d’une telle concurrence.
Quelles sont les conséquences de cet arrêt sur le marché des transferts ?
Cet arrêt aura des répercussions majeures dans le monde du football, et plus particulièrement sur le marché des transferts. La FIFA est ainsi amenée à revoir certaines de ses règles afin de se conformer au droit de l’Union européenne. Libérés des contraintes liées aux lourdes indemnités de transfert et aux menaces de sanctions, les joueurs professionnels pourraient utiliser la possibilité de rompre unilatéralement leurs contrats avec beaucoup moins de risque de pénaliser leurs futurs clubs. Une telle évolution leur procurerait une plus grande liberté quant au choix de leur club et dans la gestion de leur carrière, ce qui affectera le marché des transferts.
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