Un nouveau droit des obligations, ça se fête!
Pour l’occasion, tout au long du printemps, Simont Braun a mis en avant 12 articles, 12 grandes nouveautés, 12 changements à venir. Bref, 12 chances de vous préparer à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, prévue le 1er janvier 2023.
Nous vous offrons ici un récapitulatif de cette série. Version PDF disponible ici.
Focus 5.17 | La responsabililté précontractuelle
Le nouveau Code civil consacre pour de bon le principe de la responsabilité pour culpa in contrahendo déjà appliqué par la jurisprudence.
En bref, si A rompt fautivement ses négociations avec B, B peut demander une indemnité qui couvre l’intérêt négatif, c’est-à-dire les pertes et frais antérieurs à la faute (frais d’avocats, due diligence…). B est replacé “dans le passé”.
Le nouvel article 5.17 ajoute aussi une alternative. S’il était légitime pour B de croire que le contrat serait certainement conclu, B peut même obtenir l’intérêt positif : une indemnité égale aux avantages nets que le contrat non conclu lui aurait procurés. On place B “dans le futur” espéré.
En pratique: pour éviter les incertitudes sur la conclusion d’un contrat négocié, indiquez par exemple “Projet non-liant sous réserve de discussions” dans vos projets de contrats. Si possible, définissez contractuellement le dommage réparable en cas de rupture des négociations.
Focus 5.23 | Les conditions générales
Le Code civil règlera désormais les conflits de conditions générales (battle of forms). L’article 5.23 consacre la règle du K.O. (knock-out rule): toutes les conditions générales faisant partie du contrat s’appliquent, mais les clauses incompatibles s’annulent.
Le contrat se forme donc malgré un conflit de conditions générales. Il ne servira plus à rien d’indiquer dans vos conditions générales: “Ces conditions générales de vente excluent, à défaut d’acceptation écrite du vendeur, toutes les conditions générales et particulières d’achat de l’acheteur.”
A retenir : si certaines clauses des conditions générales sont si importantes qu’une partie préfère renoncer à contracter plutôt que de contracter sans elles, elle devra l’indiquer expressément avant la conclusion du contrat ou sans retard injustifié après l’acceptation… et autrement que par la voie de ses conditions générales bien sûr.
Focus 5.26 | La méconnaissance d’un pacte de préférence ou d’un contrat d’option
Le Code civil modernise les règles applicables lors de la violation d’un pacte de préférence ou d’un contrat d’option (une promesse unilatérale de contrat). Que peut-on faire lorsque le débiteur vend le bien à un tiers sans respecter la promesse ou le pacte ?
L’article 5.26 distingue deux hypothèses:
- Si le tiers est de bonne foi, le bénéficiaire ne pourra réclamer que des dommages et intérêts au débiteur ou la résolution du contrat. La situation du tiers reste inattaquable.
- Si le tiers est complice, le bénéficiaire pourra demander l’inopposabilité du contrat et sa substitution au tiers. Le bénéficiaire pourra alors prendre la place du tiers aux conditions convenues entre le tiers et le débiteur.
Focus 5.52 | Les clauses abusives
L’article 5.52 introduit une réglementation générale des clauses abusives dans le Code civil.
Désormais, une clause non négociable qui crée un déséquilibre manifeste peut être réputée non écrite. Toutes les circonstances pertinentes sont prises en compte.
L’article 5.52 s’applique aux cas non couverts par les règles du Code de droit économique sur les clauses abusives dans les relations B2B et B2C, par exemple les contrats entre particuliers ou les contrats B2B relatifs aux marchés publics ou aux services financiers.
Attention, l’article 5.52 ne s’applique qu’aux clauses non négociables contrairement au Code de droit économique.
A retenir: il peut être utile de garder une trace du déroulement des négociations afin de pouvoir prouver a posteriori que certaines clauses étaient négociables.
Focus 5.57, alinéa 2 | Les causes de nullité
Un contrat nul ne sera plus nécessairement annulé! L’article 5.57, al. 2, prévoit que le contrat ou l’une de ses clauses peuvent rester valables, quoiqu’entachés d’une cause de nullité au moment de leur conclusion.
Quand?
- dans les cas prévus par la loi
- lorsque la sanction de la nullité ne serait manifestement pas appropriée, eu égard au but de la règle violée.
Ainsi, la nullité, même absolue, peut être écartée lorsqu’elle s’avère inadéquate. Le terme « manifestement » souligne néanmoins le caractère exceptionnel de la situation. Par exemple, la nullité pourra être écartée lorsqu’une irrégularité administrative aura été régularisée.
Focus 5.59 | L’annulation par voie de notification
Le nouveau Code civil prévoit la possibilité pour une partie d’annuler un contrat par voie de notification à l’autre partie.
Sauf pour les contrats constatés par acte authentique, le nouvel article 5.59 évite ainsi à la partie se prévalant d’une cause de nullité de devoir attendre l’issue d’une procédure judiciaire.
Attention ! L’annulation par voie de notification intervient aux risques et périls de son auteur. Elle peut donc être contestée devant le juge. Si ce dernier constate que l’annulation a été notifiée sans fondement, le contrat n’a jamais pris fin mais peut être résolu aux torts de l’auteur de la notification qui a entretemps cessé d’exécuter ses obligations.
Focus 5.74 | Le changement de circonstances
En ces temps tumultueux, l’introduction de la théorie de l’imprévision est une innovation importante.
Désormais, lorsqu’un changement de circonstances rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse, le débiteur peut, sous certaines conditions, demander une renégociation. En cas d’échec ou de refus du créancier, le tribunal peut même modifier ou mettre fin au contrat.
En vertu du droit actuel, le juge ne pouvait en principe pas intervenir dans un contrat si des circonstances imprévisibles bouleversaient excessivement l’équilibre contractuel sans pour autant rendre l’exécution impossible. Compte tenu de ses conditions strictes, l’article 5.74 ne sera toutefois appliqué que dans des situations exceptionnelles.
Conseil : les parties peuvent adapter contractuellement la réglementation de l’article 5.74 ou même l’exclure.
Focus 5.77 & 5.78 | Prorogation et renouvellement du contrat
Le nouveau Code civil clarifie la distinction entre prorogation et renouvellement du contrat.
La prorogation du contrat permet aux parties de reporter le terme initial du contrat. Le contrat est alors maintenu dans toutes ses dispositions.
Le renouvellement n’implique pas la modification du contrat initial mais la conclusion d’un nouveau contrat. Il est tacite si une partie continue à exécuter ses obligations à l’échéance du terme sans opposition de l’autre partie. En cas de renouvellement, le nouveau contrat est identique au précédent sauf quant à la durée : il est présumé conclu à durée indéterminée.
Focus 5.88 | La clause pénale devient la clause indemnitaire
Oubliez la clause pénale, elle se nomme désormais clause indemnitaire!
Quelles sont les nouveautés?
- La clause indemnitaire pourra porter sur l’accomplissement d’une prestation.
- Le critère d’évaluation du « dommage potentiel prévisible » au moment de la conclusion est remplacé par le caractère « manifestement déraisonnable » de la clause.
- Le juge réduira la clause manifestement excessive, compte tenu de toutes les autres circonstances. Il examine tant le dommage prévisible que le dommage réellement subi.
- Dans son opération de réduction, le juge tient aussi compte des intérêts légitimes du créancier, par exemple la difficulté de prouver certains types de dommages.
- Le juge ne peut pas réduire en-deçà d’un montant ou d’une prestation raisonnable.
Focus 5.89 | Les clauses exonératoires de responsabilité
La validité des clauses exonératoires de responsabilité est souvent au cœur des litiges contractuels. On les retrouve fréquemment dans des conditions générales ou dans des conditions particulières négociées.
Le nouveau Livre 5 confirme la validité de ces clauses dans les limites classiquement admises (interdiction de s’exonérer de son dol ou de vider le contrat de sa substance).
Au rang des nouveautés, le débiteur ne pourra désormais plus s’exonérer du dol des personnes dont il répond ni des atteintes à l’intégrité physique. Le nouveau Code civil s’aligne donc avec les dispositions spéciales relatives aux clauses abusives B2C et B2B.
Encore une petite pour la route? Les auxiliaires du débiteur pourront désormais opposer au créancier les clauses exonératoires de responsabilité contenues dans le contrat conclu entre le débiteur et le créancier.
Focus 5.97 | La réduction du prix, nouvelle sanction en droit des contrats
Si une inexécution contractuelle n’est pas assez grave pour justifier une résolution du contrat, le créancier pourra demander une réduction proportionnelle du prix pour compenser la différence de valeur entre la prestation reçue et celle qui était convenue. La réduction rééquilibre ainsi les prestations réciproques. Elle se distingue des dommages-intérêts.
Cette nouvelle sanction pourra être demandée en justice ou mise en œuvre unilatéralement par le créancier, par simple notification écrite justifiant la cause de la réduction.
En pratique : ce nouvel outil permet de dispenser le créancier de payer le solde du prix sans aller en justice. Attention toutefois : une réduction unilatérale injustifiée ou disproportionnée peut engager la responsabilité de son auteur.
Focus 5.114 | Les obligations et clauses post-contractuelles
Fin de l’incertitude autour de l’existence d’obligations et de clauses post-contractuelles.
Le nouvel article 5.114 confirme que le contrat peut contenir des clauses qui, conformément à l’intention des parties et à la nature de la cause de dissolution, doivent continuer à sortir leurs effets après son extinction.
Tel est par exemple le cas, lors de la résolution du contrat, de la clause indemnitaire destinée à réparer le dommage complémentaire non réparé par les restitutions après résolution.
L’article 5.114 du Code civil ajoute que la loi, la bonne foi et les usages peuvent faire naitre de nouvelles obligations, de nature contractuelle, après l’extinction du contrat. Par exemple, le principe de bonne foi peut imposer au concédant de reprendre les stocks de son concessionnaire à la fin du contrat de concession.
Droit transitoire
Le Livre 5 entrera en vigueur le 1er janvier 2023.
La question de son application dans le temps est évidemment cruciale pour la pratique.
Le législateur a opté pour une sécurité juridique maximale.
- Contrats et faits survenus après le 1er janvier 2023: sans surprise, le Livre 5 s’y appliquera.
- Contrats conclus avant le 1er janvier 2023: ils restent intégralement soumis au droit antérieur. Même un acte juridique postérieur au 1er janvier 2023 (un paiement, une mise en demeure, un avenant…) reste soumis au droit antérieur s’il se rapporte à un contrat conclu avant le 1er janvier 2023.
Les tribunaux continueront donc à appliquer les droits ancien et nouveau pendant une longue période.
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Nous espérons que notre série spéciale sur le nouveau Code civil vous aura été utile!
Nous remercions les auteurs de la série: Thomas Derval, Charles-Edouard Lambert, Eléonore de Duve, Sander Van Loock, Pierre Bazier et Alice Briegleb.
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