L’arriéré judiciaire en Belgique pousse de nombreuses parties, lors de la conclusion de contrats, à y prévoir le recours aux tribunaux arbitraux en cas de litige. En droit belge, la clause d’arbitrage est définie par l’article 1681 du Code judiciaire comme « une convention par laquelle les parties soumettent à l’arbitrage tous les différends ou certains des différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel ».
Il convient toutefois d’être vigilant lors de leur rédaction. En effet, une clause d’arbitrage défectueuse ou mal rédigée, que l’on qualifie généralement de « clause pathologique », peut entraîner son lot de difficultés, de nature à ralentir, voire enrayer la procédure d’arbitrage.
Le présent article vise à attirer l’attention du lecteur sur certains aspects qu’il est essentiel de prendre en considération lors de l’insertion d’une clause d’arbitrage dans le contrat.
1. Choix entre arbitrage ad hoc et arbitrage institutionnel
Lorsqu’elles souhaitent insérer une clause d’arbitrage dans leur contrat, voire conclure un compromis d’arbitrage après la naissance du litige, les parties doivent en premier lieu choisir entre l’arbitrage ad hoc et l’arbitrage institutionnel.
Le choix de l’arbitrage institutionnel est a priori le plus aisé. La procédure d’arbitrage institutionnel se déroule en effet sous le contrôle et l’égide d’une institution établie, telle que le CEPANI ou l’ICC. Ces institutions disposent chacune de leur propre règlement, qui encadre le déroulement de la procédure et vise à résoudre un certain nombre d’incidents. Par ailleurs, à supposer que l’application d’une disposition du règlement soit source de difficultés, l’institution est en mesure de l’interpréter, conformément à sa propre jurisprudence et à ses usages. L’institution est ainsi la garante de la bonne application de ses règles de procédure.
Si les parties font le choix d’un arbitrage ad hoc, elles doivent se montrer plus attentives lors de la rédaction de la clause d’arbitrage. Elles doivent en principe inclure dans la clause l’ensemble des règles de procédure qui leur importent. Par conséquent, les clauses d’arbitrages ad hoc doivent être substantiellement plus fournies qu’en matière d’arbitrage institutionnel.
Toutefois, lorsque le siège de l’arbitrage se situe en Belgique, les parties ayant choisi la voie de l’arbitrage ad hoc ne sont pas complètement démunies. En effet, la Partie 6 du Code judiciaire, dédiée à l’arbitrage, prévoit une série de règles de procédure applicables par défaut. L’article 1685 du Code judiciaire régit ainsi, à défaut de stipulation des parties, le mode de désignation du ou des arbitres. De la même manière, l’article 1691 du Code judiciaire consacre la compétence du tribunal arbitral en matière de mesures conservatoires ou avant dire droit.
Ces dispositions sont toutefois loin d’être suffisantes aux fins d’éviter tout incident de procédure. En cas de mutisme de la clause d’arbitrage, le Code judiciaire confère au tribunal arbitral le pouvoir de « fixer les règles de procédure applicable à l’arbitrage comme il le juge approprié » (art. 1700, § 2, C. jud.). A titre d’exemple, le tribunal arbitral peut ainsi déterminer, en l’absence de volonté exprimée par les parties, le choix du lieu de l’arbitrage (art. 1701 C. jud.) ou la langue de la procédure (art. 1703 C. jud).
Risques de clause pathologique
Lorsque les parties décident de recourir à l’arbitrage institutionnel, il leur suffit d’insérer dans leur contrat la clause-type reprise dans le règlement d’arbitrage de l’institution concernée.
Il arrive toutefois que les parties préfèrent modaliser la clause-type ou recourir plutôt à l’arbitrage ad hoc. Il appartient alors aux parties de rédiger elles-mêmes les clauses encadrant la procédure d’arbitrage.
C’est dans pareils cas que survient le risque de rédaction de clauses pathologiques, c’est-à-dire des clauses rédigées de manière imprécise, ambiguë ou incomplète, créant des difficultés d’application pratiques ou juridiques. Plus particulièrement, sans que cette présentation ne se veuille exhaustive, trois catégories de clauses posent en pratique fréquemment problème.
Clauses restreignant la compétence du tribunal arbitral. Certaines clauses, en raison de leur libellé, ont pour effet de « saucissonner » le litige. Par exemple, si les parties ont convenu que « les litiges relatifs à l’exécution du présent contrat seront tranchés par un recours à l’arbitrage », la question du sort des litiges relatifs à l’extinction du contrat, à sa nullité ou encore les litiges extracontractuels mais en lien avec le contrat est incertaine. Certes, les tribunaux arbitraux ont tendance à interpréter leur compétence de manière extensive. Néanmoins, il existe un risque non négligeable que la compétence du tribunal arbitral soit contestée pour les litiges non expressément visés par la clause et que ceux-ci doivent dès lors être soumis aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, ce qui entraîne des complications et des coûts inutiles. Il en découle également l’augmentation du risque de décisions incohérentes ou contradictoires lorsque deux procédures – l’une arbitrale, l’autre judiciaire – sont diligentées.
En droit belge, le risque de découpage du litige est d’autant plus important depuis l’adoption du livre 6 du Code civil, qui entre en vigueur le 1er janvier 2025. La réforme du concours de responsabilités permet en effet à une partie d’agir contre son un cocontractant sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (art. 6.3 C. civ). Il sera donc prudent à l’avenir d’inclure expressément dans la compétence du tribunal arbitral les litiges qui, sans porter directement sur le contrat, présentent néanmoins un lien avec celui-ci.
Mode de désignation du ou des arbitres. Une autre difficulté fréquente en pratique a trait aux modes de désignation de l’arbitre. Les clauses prévoyant des conditions strictes de désignation peuvent en effet être source de difficultés pratiques. A titre d’exemple, les exigences portant sur la nationalité de l’arbitre ou la maîtrise de certaines disciplines parfois pointues peuvent compliquer significativement le processus de désignation.
Dans d’autres cas, à défaut de précisions suffisantes et à défaut de désignation d’une instance tierce ayant un pouvoir de désignation, les parties pourraient être dans l’impossibilité de nommer les arbitres sans nouvel accord ou sans recours aux cours et tribunaux.
Une clause pathologique concernant le mode de désignation du ou des arbitres pourrait donc également nuire à la tenue efficace de la procédure d’arbitrage et donner lieu à des manœuvres dilatoires.
Clauses « copy-cat ». En matière d’arbitrage ad hoc, la pratique de clauses d’arbitrages dites « copy-cat » consiste en l’inclusion, dans une clause d’arbitrage, d’un simple renvoi au règlement d’une institution arbitrale, à l’exception des règles propres à cette institution, telles que la désignation du ou des arbitres par l’institution ou les barèmes d’honoraires de ces derniers.
Le recours à cette pratique est déconseillé, dans la mesure où elles peuvent avoir des conséquences inattendues et présenter une complexité accrue. Ainsi, des litiges pourraient survenir sur la question de savoir si une disposition du règlement choisi est véritablement spécifique à l’institution, et doit donc être écartée, ou si elle peut être transposée.
En pratique, si le renvoi à un règlement d’une institution est envisageable, cela doit être fait avec soin, après étude attentive des dispositions applicables, voire en visant expressément certaines dispositions tout en en excluant d’autres.
2. Conclusion
En conclusion, quel que soit le choix des parties, les clauses d’arbitrages doivent être rédigées avec soin et ne doivent pas être inclues de manière irréfléchie dans une convention, sous peine de causer une complexité accrue d’une procédure pourtant initialement choisie pour son efficacité.
En pratique, l’arbitrage institutionnel rencontre au mieux les besoins rencontrés dans la plupart des contrats. A titre d’exemple, les parties peuvent recourir à la clause-type du CEPANI ou de l’ICC.
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