ACCORD JUB («UPC») | QUELLES COMPÉTENCES POUR LA JURIDICTION UNIFIÉE DU BREVET?
Partie 3 | COMPÉTENCE «INTERNATIONALE»
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L’introduction du brevet européen à effet unitaire s’accompagne de l’institution d’une juridiction unifiée exclusivement compétente pour connaître de certaines actions relatives à ce nouveau type de brevet et à quelques autres titres similaires. L’entrée en vigueur prochaine de l’Accord instituant la Juridiction Unifiée du Brevet («JUB» ; «Unified Patent Court», «UPC») est l’occasion d’aborder ici, mais sans entrer dans tous les détails, les principales règles qui détermineront sa compétence «internationale», c’est-à-dire en relation avec les Etats membres UE qui n’ont pas ratifié l’Accord JUB, et les Etats «tiers» (hors UE) (concernant la compétence « matérielle » de la JUB, voyez la partie 1, et la compétence «interne» de la JUB, voyez la partie 2).
Comme on l’a vu (partie 1), les juridictions nationales garderont certaines compétences. En ce qui les concerne, les règles de compétence internationale ne sont pas modifiées : s’appliqueront le règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 («règlement Bruxelles 1bis»), la convention conclue le 30 octobre 2007 à Lugano («Convention de Lugano»), en vigueur entre l’Islande, la Norvège, la Suisse et les États membres de l’Union européenne («UE»), et les règles nationales de compétence internationale (y compris d’éventuels traités bilatéraux).
Nous donnons ici un aperçu des règles à appliquer en relation avec la JUB dans les relations avec les Etats membres UE qui n’ont pas ratifié l’Accord JUB, et les Etats «tiers» (hors UE, par exemple le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou la Chine).
La Convention conclue le 30 octobre 2007 à Lugano, dite Convention de Lugano, en vigueur entre l’Islande, la Norvège, la Suisse et les États membres de l’UE n’a pas été modifiée. Son application à la JUB pose des difficultés particulières que le cadre limité de cette note ne permet pas d’aborder. Ce qui sera dit ci-après à propos des parties établies hors Union européenne, doit donc s’entendre sous réserve de l’application éventuelle de la Convention de Lugano.
Pour mémoire, il faut distinguer entre la compétence «interne» de la JUB, c’est-à-dire dans le périmètre des Etats ayant ratifié l’Accord JUB (les « Etats JUB ») (voyez la partie 2) et sa compétence « internationale ». Nous décrirons brièvement celle-ci sous deux aspects : vis-à-vis des autres Etats membres UE mais non membres de l’Accord JUB, d’une part, et vis-à-vis des Etats tiers (non UE ni Convention de Lugano), d’autre part.
| ADAPTATION DU RÈGLEMENT BRUXELLES 1BIS : GÉNÉRALITÉS
La compétence «internationale» de la JUB est déterminée en vertu du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 («règlement Bruxelles 1bis») tel qu’amendé par le règlement (UE) n° 542/2014 précisément pour tenir compte de cette juridiction nouvelle. La création de la JUB, certes qualifiée de «commune» aux Etats JUB, a requis diverses adaptations car cette qualification ne suffit pas à appliquer telles quelles toutes les dispositions de ce règlement.
Le règlement 542/2014 prévoit ainsi plusieurs dispositions destinées à compléter le régime UE des compétences judiciaires et des mécanismes de litispendance, de connexité, de reconnaissance et d’exécution entre la JUB et les juridictions des Etats membres UE non JUB.
En outre, il complète le règlement Bruxelles 1bis par des règles relatives aux défendeurs établis hors de l’Union (la Convention de Lugano n’est pas examinée ici) car pour ces défendeurs, ce règlement renvoie certaines questions aux législations nationales, ce qui ne se conçoit pas dans le cadre de la JUB, juridiction ayant un régime juridique autonome.
| L’ASSIMILATION DE LA JUB À UNE JURIDICTION NATIONALE ET SES CONSÉQUENCES
La JUB est d’abord réputée être une juridiction nationale pour l’application du règlement Bruxelles 1bis.
Cette assimilation permet par exemple de justifier que la JUB soit compétente territorialement là où le règlement Bruxelles 1bis ne le permettait pas : saisie d’une action en contrefaçon d’un brevet européen sans effet unitaire («non-opted out») appartenant à un titulaire polonais contre un défendeur établi aux Pays-Bas, la division néerlandaise de la JUB pourra, sur demande reconventionnelle, prononcer la nullité de ce brevet européen non seulement pour les Pays-Bas mais aussi pour tous les autres Etats JUB couverts par ce brevet (ce que l’article 24(4) du règlement, à lui seul, ne permet pas).
Cette assimilation trouve son prolongement explicite dans la règle selon laquelle la JUB est compétente dès que, en vertu des autres dispositions du règlement Bruxelles 1bis, une juridiction d’un Etat JUB aurait été compétente dans la matière concernée mais relevant de la compétence matérielle de la JUB.
Dans le cas d’un défendeur domicilié ou établi dans l’UE, toutes les règles ordinaires de compétence s’appliqueront donc : domicile ou établissement du défendeur, lieu de la contrefaçon, pays où le brevet européen est en vigueur, etc.
Lorsque le défendeur est domicilié ou établi dans un État tiers (hors UE) («défendeur étranger»), les règles habituelles du règlement Bruxelles 1bis dans cette hypothèse pourront aussi s’appliquer, mais dans une mesure limitée : par exemple, la compétence de la JUB pour connaître d’une action en nullité d’un brevet à effet unitaire ou d’un brevet européen (« non-opted-out ») dans un ou plusieurs Etats JUB, et la compétence résultant d’une clause attributive de juridiction désignant la JUB comme tribunal compétent.
| EXTENSION DES RÈGLES DE BRUXELLES 1BIS AUX DÉFENDEURS DOMICILIÉS OU ÉTABLIS HORS UE
Mais les règles habituelles applicables à ce défendeur étranger en vertu du règlement Bruxelles 1bis sont limitées. Vis-à-vis d’un tel défendeur, en dehors de quelques règles spéciales telles qu’elles viennent d’être évoquées, le régime ordinaire du règlement Bruxelles 1bis renvoie aux règles nationales de compétence internationale. Comme la JUB ne saurait appliquer ces règles non uniformes, le règlement 542/2014 prévoit qu’à l’égard d’un tel défendeur domicilié ou établi en dehors de l’UE, le chapitre II du règlement Bruxelles 1bis s’applique pour la JUB (« le cas échéant », réserve encore mystérieuse à ce jour).
Sauf évidemment la règle de compétence en faveur du tribunal du pays du domicile ou de l’établissement du défendeur (en dehors de l’UE, par hypothèse), les règles bien connues à l’intérieur de l’UE, et ainsi rendues applicables, vont pouvoir conduire à la compétence de la JUB, notamment la règle de compétence en raison du lieu de la contrefaçon : la JUB pourra être compétente à l’égard d’un tel défendeur si le lieu de la contrefaçon ou de ses effets est situé dans un État JUB.
Très curieusement, il est prévu que dans cette hypothèse d’application du chapitre II à un défendeur étranger, la compétence de la JUB est limitée pour connaître des préjudices survenus en dehors de l’UE en conséquence d’une contrefaçon commise dans l’UE. Cette compétence est soumise en effet à la double condition que (1) les biens appartenant au défendeur étranger soient situés dans un État JUB et que (2) le litige ait un lien suffisant avec cet État JUB. Cette disposition peu claire a suscité interrogations et critiques.
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